samedi 13 octobre 2007

NICKNAMES

Dans le Street Art, tout le monde a un pseudo, voire plusieurs.

Ca fait partie du jeu et puis maintenant que dans certaines villes importantes, il y a des types qui sont payés pour répertorier tout ce qu'ils appellent les dégradations sur murs et mobiliers urbains, pour ensuite te présenter la note quand tu te fais piquer, il vaut mieux se cacher derrière des identités imaginaires.

Je ne sais pas pourquoi, mais ça me rappelle une discussion qu'on avait eu en famille à table, un de ces longs dimanches où les repas n'en finissaient pas. On parlait des surnoms.
Dans mon bled, il y avait une tradition (qui disparaît peu à peu) de donner des surnoms à tout le monde. Je pense que ça tenait au fait qu'il y avait pas mal de familles nombreuses et que quand 3 ou 4 frères travaillaient dans la même usine, les surnoms permettaient de ne pas les nommer par leur nom de famille, qui était le même, et ça évitait la confusion.

Il m'en revient quelques uns, portés souvent par des personnages hauts en couleur:

LE PLUME: c'était un gars du village qui avait un petit gabarit. On le voyait faire des zigzag avec sa vieille bécane quand il remontait du café, un coup dans le pif.

PEPETTE: un célibataire endurci, le tombeur des bals de la Salle des Fêtes.

LE TOCHE: un vieil alcoolo d'une petite ville voisine dont le jumeau monozygote était curé. Impossible de les distinguer, sauf par leur tenue et leur degré d'état d'ébriété (le curé picolait aussi mais beaucoup moins). Quand on saluait le Toche en lui disant "Bonjour, Monsieur le Curé", il se mettait à gesticuler sur sa mobylette en nous insultant.

LA MÈRE LA SOUPE: une femme qui sentait toujours une transpiration âcre et écoeurante. Vous la preniez en stop et vous étiez condamné à rouler une semaine avec les vitres ouvertes.

BOIS D'BOUT: C'était un négociant en vins de Vauzelles qui avait le droit de faire consommer du vin tiré des tonneaux mais, comme il n'avait pas de licence IV, la loi interdisait de s'asseoir (donc "bois debout").

DUDULE: un vieil homo qui vivait seul avec sa mère (mais il n'y a pas de rue Sarasate dans le village!).

LA PARME: une dame d'origine italienne (de Parme j'imagine) et qui avait un morceau d'os de crâne en moins. Quand elle se baissait, on voyait sa peau tendue qui tapait à cet endroit-là (j'étais tout petit et ça me foutait une de ces trouilles!)

BOUT-DUR: Je ne vais pas faire de dessin, c'était un vieil obsédé qui ne manquait jamais de rendre visite aux femmes esseulées, sans aucune limite d'âge ni considération esthétique (il aurait été bien prétentieux de faire le difficile, vu la touche qu'il avait!).
On le reconnaissait à son baisenville et ses moustaches recourbées vers le haut. Paraît-il qu'il avait une moumoutte mais je ne sais pas si c'est vrai.


Souvent, quand un nouveau facteur demandait où habitait l'un de ces personnages en citant son vrai nom, même les voisins qui le connaissaient depuis une éternité cherchaient un petit moment avant de répondre, tellement on ne les connaissait que sous leur surnom.

Beaucoup de ces gens sont morts aujourd'hui (2 cas sur 3 à cause de la picole). Et maintenant, c'est le contraire: on ne les connaît plus que sous leur vrai nom, celui qui est gravé sur leur tombe.

Leur surnom, qui faisait leur identité dans ces petites communautés, finit de se dissoudre dans les mémoires de ceux qui restent encore...

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